Shantideva’s
Bodhicharyāvatāra
བྱང་ཆུབ་སེམས་པའི་སྤྱོད་པ་ལ་འཇུག་པ།།
Groupe d'Etude guidé parVén. Lama Sangyay Tendzin
Session 24 - le 10 juillet 2021
Chapitre Quatre : Développer la Conscience Attentive
Bonjour à tous, je souhaite que vous soyez tous et toutes en bonne santé et dans un état d’esprit positif et disposé une fois de plus à vous engager dans l'étude du Dharma sacré. Pour élever davantage notre motivation et notre état d'esprit, commençons la session en récitant les prières préliminaires.
REFUGE | MANDALA | DEMANDE D'ENSEIGNEMENTS
Invocation du Lama | Quiescence mentale
La semaine dernière, nous avons conclu en commentant la strophe 22 dans laquelle Shantidéva nous a rappelé comment les phénomènes peuvent être évalués selon qu'ils sont manifestés, cachés et extrêmement cachés, comme la loi du karma de cause à effet.
Nous avons vu que :
- Les phénomènes manifestes peuvent être évalués au moyen d'une perception valide.
- Les phénomènes cachés peuvent être connus par inférence valide.
- Les phénomènes extrêmement cachés, tels que le principe karmique de cause à effet, sont connus sous l'autorité de l'enseignement du Bouddha.
Il a été cependant signalé que le principe karmique peut être valablement établi au moyen de raisonnement basé sur le principe de cohérence logique.
Le commentaire aborde brièvement ce sujet pour nous inciter à y réfléchir ; nous devons réaliser que le principe karmique ne peut être ni appréhendé, ni compris par le biais d’un raisonnement dualiste et encore moins par une interaction émotionnelle basée sur des apparences. Ceci classerait ce principe dans la catégorie des phénomènes manifestes, ce qui n’est pas le cas.
Chapitre Quatre : Strophe 23
Il n’est pire duperie,
Il n’est abrutissement plus épais
Que de ne pas s’exercer au bien
Quand on en a la liberté.
A propos de la pratique du Dharma sublime, il est difficile de se trouver dans une situation où l'on possède une aptitude à son accomplissement.
Ayant réalisé les libertés de cette précieuse existence humaine et les faits de la découverte du Dharma et ayant rencontré un maître authentique,
- Dans le meilleur des cas, on pourra atteindre son objectif ultime dans cette vie même.
- Dans le meilleur des cas suivants, on sera capable de sécuriser la condition humaine dans sa prochaine vie et de s'y éveiller à la lignée des Bodhisattvas.
- Dans le moindre des cas, on n'aura aucun regret au moment de la mort.
Pourtant, dit Shantidéva, si l'on ne parvient pas à s'entrainer à la vertu pour accomplir le bien, et si, sous l'influence des huit préoccupations mondaines, on gaspille sa vie en distractions, on se leurre soi-même. Il n'y a en effet pas de plus grande démence que celle-ci.
C'est aussi très stupide, et il n'y a pas de plus grande sottise que de ne pas distinguer entre ce qui doit être fait et ce qui ne doit pas être fait. Il ne faut pas suivre les objets des sens tant ils sont fallacieux.
Notre conscience étant si instable, nous ne devrions pas la laisser être asservie par la confusion. Au lieu de cela, nous devons cultiver la prudence et pratiquer le Dharma avec pureté.
Chapitre Quatre : Strophe 24
Si, ayant bien compris ce point,
Je reste indolent par ignorance,
Au moment où je mourrai,
Quelle ne sera mon affliction !
Dans cette strophe, Shantidéva remarque que si, ayant trouvé les libertés et les avantages d'un corps humain précieux, il ne parvient pas à accomplir la vertu, il est extrêmement stupide et se fait beaucoup d'illusions. Tout en étant pleinement conscient de sa situation, il est comme un animal assoiffé, égaré par un mirage ; il a soif des objets des sens et essaie de s'assurer richesse, respect et bonne réputation.
Trompé et attiré dans son idiotie, il se dit que des gens comme lui sont incapables de pratiquer le Dharma, que ce soit maintenant ou dans le futur, et il se laisse sombrer dans la dépression et l'oisiveté. C'est ainsi que les gens mettent fin à leur chance en matière spirituelle.
Ils se rabaissent, pensant qu'ils sont stupides et incapables d'étudier, se disant qu'ils ont trop de colère, qu'ils sont sans compassion, qu'ils sont distraits et incapables d'assiduité, etc. Si tel est le cas, se dit Shantidéva, en gâchant sa vie, il s'apportera la ruine et, au moment de la mort, ressentira un grand regret.
Chapitre Quatre : Strophe 25
Tandis que les insupportables flammes de l’enfer
Brûleront longtemps mon corps,
L’insoutenable brasier de mes remords
Torturera sans aucun doute mon esprit.
On dit que les feux de l'enfer sont sept fois plus féroces que les feux de la fin des temps, qui sont eux-mêmes sept fois plus chauds que le feu ordinaire du bois de santal. L'expérience du feu de l'enfer est donc dite insupportable et prolongée.
Et quand, dit Shantidéva, son corps, qui sera alors beaucoup plus sensible à la douleur qu'il ne l'est maintenant, éprouvera l'agonie d'être brûlé, il ne fait aucun doute que son esprit aussi sera tourmenté, brûlé dans les flammes d'un regret insupportable.
Soit la pensée lui viendra que son échec à pratiquer le Dharma l’entraîne à subir maintenant de telles expériences, soit les gardiens de l'enfer lui diront que ses douleurs sont le résultat de tel ou tel acte.
Chapitre Quatre : Strophe 26
Maintenant que j’ai gagné, comme par hasard,
Ce support si difficile à obtenir,
Si, en pleine conscience,
Je me reconduis dans les mêmes enfers,
Que ce soit en termes de causes, d'exemples ou de comparaisons numériques, une vie humaine dotée de libertés et d'avantages est extrêmement difficile à atteindre. C'est le fondement de toutes les œuvres positives, rendant possible la pratique du Dharma, et c'est quelque chose, réfléchit Shantidéva, qu'il n'a pas atteint depuis très longtemps.
C'est par quelque mérite accidentel qu'il l'a maintenant gagnée et il est vital qu'il ne soit pas à nouveau victime de la conduite insensée des habitudes. Au lieu de cela, il doit avoir un discernement clair de ce qui est bénéfique et de ce qui est nuisible.
Comment savons-nous que nous sommes venus des enfers dans cette vie ? Alors qu'il était sur le point d'entrer dans son parinirvana, le Bouddha, tel un père qui, avant de s'embarquer pour un voyage en mer, laisse son testament pour son jeune fils à la garde de ses proches, dit aux très nobles Avalokita, Manjughosha et autres : « Quand les êtres maintenant en enfer qui ont une légère connexion avec moi seront libérés de leurs souffrances et gagneront une forme humaine, donnez-leur ce trésor de connaissances que j'ai accumulé pendant trois innombrables kalpas. »
Chapitre Quatre : Strophe 27
C’est que, comme abêti par un sortilège,
J’ai tout bonnement perdu la raison
Et j’ignore ce qui tant m’abrutit :
Que se passe-t-il au fond de moi ?
Au vu de tout cela, Shantidéva conclut que, s'il retombe dans la situation de se laisser détruire, c'est comme s'il avait été aveuglé par la sorcellerie : incapable de voir et de différencier aider de nuire.
L'omniscient Longchenpa a dit :
« On ne saisit pas les choses lorsqu'elles sont expliquées.
Nous ne comprenons pas quand les choses nous sont montrées.
Nos cœurs sont des grandes boules de fer, des gros morceaux de granit.
Nous sommes stupides : honnêtement, ceci est bien la vérité ! »
Sommes-nous vraiment aussi stupides que le verset le dit ? Évidemment, nos cœurs ne sont ni des boules de fer ni des blocs de pierre, mais comment se fait-il, demande Shantidéva, que nous ne reconnaissions pas notre stupidité et notre confusion ?
Bien que nous pensions vouloir pratiquer le Dharma, vouloir garder la discipline, vouloir étudier et réfléchir sur les enseignements, le fait est que nous ne le faisons pas. Nous sommes complètement hors de contrôle. Qu'est-ce qui nous rend si stupides ? Il doit sûrement y avoir quelque chose que nous n'avons pas réussi à reconnaître. Nous devrions sans cesse nous demander de quoi il s’agit.
Chapitre Quatre : Strophe 28
La colère, la soif et leurs pareilles, mes ennemies
Sans bras ni jambes - ni rien de tel -,
Ne sont ni intelligentes ni braves : comment
M’ont-elles réduit en esclavage ?
Qu'est-ce qui, peut-on se demander, nous rend si stupides ? L'aversion et l'avidité sont en effet les parents de l'existence samsarique. Avec l'ignorance et les autres afflictions, elles sont nos propres ennemis intérieurs.
Mais ces ennemis ne sont pas comme des soldats avec des corps physiques, des têtes et des membres, armés de cottes de mailles et de toutes sortes d'armes, et équipés de casques ornés d'enseignes. Ce ne sont en aucun cas des héros courageux.
Au contraire, ils sont paresseux. De plus, ils ne sont ni habiles ni aptes à tromper. En fait, ils sont plutôt stupides. Comment se fait-il alors, demande Shantidéva, que ces afflictions l'aient réduit, lui et tous les autres, maîtres, seigneurs, supérieurs ou inférieurs, forts ou faibles, à cette condition abjecte d'esclavage et de souffrance, privée de toute liberté ?
Comment se fait-il que, dans la poursuite de l'honneur et de la renommée, de la richesse et du plaisir, nous ne nous reposions pas le jour, ni ne dormions la nuit ?
Nous sommes esclaves de notre désir ; nous sommes esclaves de notre aversion ; au point que nous ne reculons même pas devant des actions qui peuvent nous coûter la vie. Impuissants, nous sommes les esclaves de nos émotions, qui nous tourmentent sans cesse.
Chapitre Quatre : Strophe 29
Elles occupent mon esprit,
Me font mal comme bon leur semble,
Et moi, je le tolère sans m’emporter :
Cette patience mal placée mérite le mépris !
Toutes ces émotions n'ont d'autre demeure que le temple de notre propre esprit. C'est ici que nous entretenons nos émotions d'attachement et de haine comme si elles étaient nos invitées. Nous sommes leurs esclaves et leurs laquais.
Quoi qu'elles veuillent, nous l'accomplissons avec enthousiasme, même si, en guise de récompense, elles nous nuisent sans retenue, à leur gré, dans cette vie et à l'avenir. Pourtant, nous tolérons tout.
Pire encore, nous nous accommodons de ces afflictions, nos ennemis, sans le moindre ressentiment.
C'est le genre de patience que nous avons, complètement abjecte et idiote. Cette inertie est un manque absolu de respect pour les Bouddhas et leurs descendants.
Chapitre Quatre : Strophe 30
Si les dieux et les titans
Devenaient tous mes ennemis,
Ils seraient incapables de me traîner
Dans les flammes de l’enfer Insurpassable.
Shantidéva réfléchit aux terribles dégâts que ses ennemis, les émotions conflictuelles, peuvent causer.
Même si les rois des dieux et les seigneurs des asuras venaient contre lui avec tous leurs entourages, réputés comme les forces les plus puissantes du monde, ils ne pourraient certainement que nuire à son corps et à ses biens. Ils seraient incapables de le jeter dans l'enfer ardent de la douleur implacable.
Chapitre Quatre : Strophe 31
Mais il suffit d’un instant à ces puissants ennemis,
Les émotions négatives, pour me précipiter
Dans un feu (si torride) que, s’il s’en prenait au mont Mérou,
Il n’en laisserait que les cendres.
En revanche, les émotions conflictuelles, telles que l'attachement et la haine, ses ennemis les plus puissants, sont capables en un seul instant, -comme un moment de méchanceté envers un Bodhisattva-, de le jeter dans les feux de la douleur implacable.
Dans cet enfer, il est dit que le mont Meru, la reine des montagnes, haut de quatre-vingt mille lieues (*), serait instantanément réduit en cendres. Il est donc essentiel de vaincre de tels ennemis.
(*) Une lieue est une ancienne unité de longueur couramment utilisée en Europe et en Amérique latine. Dérivée d'une ancienne unité celtique, elle fut adoptée par les Romains, devenant une unité de mesure commune dans toute l'Europe occidentale.
Elle représentait approximativement la distance qu'une personne peut parcourir en une heure. Bien que plusieurs valeurs lui aient été attribuées, la plus courante était de 5,5 km.
Ainsi, dans ce cas, le mont Meru est approximativement évalué à 440 000 km d'altitude.
Chapitre Quatre : Strophe 32
Mes adversaires, les émotions négatives,
N’ont ni commencement ni fin.
Aucun autre ennemi
N’est capable de pareille longévité.
Pensant maintenant à la durée des dommages infligés, Shantidéva constate que ses ennemis, à savoir ses émotions négatives, lui ont fait du mal depuis fort longtemps, en fait depuis le samsara sans commencement jusqu'au jour présent.
Et s'il ne parvient pas à les vaincre maintenant, ils continueront à lui faire du mal pendant longtemps dans cette vie et dans les vies futures, en fait, aussi longtemps que le samsara continuera. Aucun autre ennemi, comme ceux qui volent ses biens, ne peut lui causer de blessures sur une période aussi longue. Il est donc essentiel pour lui d'appliquer les contre-mesures nécessaires.
Ceci conclut l’enseignement pour aujourd'hui. Je vous invite à demeurer en quiétude mentale avant de dédier le mérite de cette séance au profit de tous.
