L’Éthique Bouddhiste de la Libération Individuelle

L’objectif de l’éthique de la libération individuelle est de contrôler les pulsions qui amènent le corps et la parole à entreprendre des actions négatives. Parce que ces actions sont toujours liées à des schémas émotionnels limitants, individualistes, en plus d’observer une éthique, nous devons nous entrainer à la conscience discriminative qui réalise l’altruisme afin d’atteindre la paix parfaite, l’état de cessation de tels schémas. De plus, pour que cette méditation soit stable, la concentration mentale doit également être cultivée. Ainsi, l’éthique de la libération individuelle est essentiellement identique à l’entraînement à la moralité, la méditation et la sagesse. Bien que l’objectif des vœux monastiques et des autres vœux de libération individuelle semble être de s’abstenir de comportements physiques malsains, il serait trompeur de voir ces vœux de manière réductrice, car leur but implicite est de dépasser les schémas mentaux limitants.

Le fondement de cette éthique réside dans les préceptes liés à la prise de Refuge et aux quatre « racines », ou essentiels, des préceptes qui prohibent le meurtre, le vol, le mensonge et l’adultère. Le Refuge concerne le Bouddha, le Dharma et la Sangha : le premier est compris comme l’Enseignant, le second comme les enseignements, et le troisième comme la communauté (ici la communauté monastique en particulier). À l’origine, prendre Refuge était d’abord une expression de foi qui distinguait un disciple du Bouddha des pratiquants d’autres religions. Le Refuge marquait le commencement d’un engagement sérieux sur le chemin Bouddhiste. Dans les formes supérieures de la vision Bouddhiste et de ses méthodes de mise en œuvre, prendre Refuge recouvre des couches de signification plus profondes, et dans le sens ultime cela signifie prendre Refuge dans « le Bouddha en soi », la réalisation de la conscience non modifiée et intrinsèque reposant au fond de soi.

Les quatre préceptes racines prohibent les quatre actions qui causeraient indubitablement de la souffrance pour les autres et aussi compromettraient la tranquillité de son esprit, tout en détruisant la possibilité de développer la méditation et de gagner en conscience discriminative, nécessaire pour déraciner l’existence cyclique.

Quand la communauté Bouddhiste a d’abord été formée, prendre Refuge face au Bouddha était tout ce qui était nécessaire pour être accepté en tant que moine. Petit à petit, du fait de la mauvaise conduite des moines et pour d’autres raisons, des règles ont été instituées, pour la plupart limitées à leur contexte temporel et social. Beaucoup avaient pour intention non seulement le bien-être des moines eux-mêmes, mais aussi l’harmonie intérieure de la communauté et la respectabilité sociale extérieure.

Les règles ont gagné en importance ; être un moine devint une question de respect des règles plutôt qu’une question de se diriger librement vers une vie spirituelle. Enfin, pour entrer dans la communauté Bouddhiste, l’aspirant devait prendre des vœux, et les vœux vinrent à représenter un engagement à respecter l’ensemble des règles. De tels vœux n’étaient pas de simples promesses. Plutôt, ils étaient « générés » dans le candidat par une séries de conditions et d’exigences, tel que l’abbé, la première exigence étant une attitude de désengagement de la vie cyclique.

Alors que les vœux se développaient en « entité », l’identification de leur nature devint un sujet important, ce qui explique les diverses affirmations présentées par Kongtrul, basées sur des analyses détaillées, sur la nature des vœux. Les conclusions eurent peu d’impact sur le maintien des vœux eux-mêmes mais en eurent assurément davantage pour déterminer à quel point un vœu peut être perdu.

Les vœux de libération individuelle sont fondamentalement de deux sortes : ceux qui interdisent des actions comme tuer ou mentir, qui sont considérées comme malsaines pour quiconque les commet ; et ceux qui interdisent des actions comme manger le soir, ce qui est impropre seulement pour les moines et les nonnes. La première catégorie implique un concept de « mal naturel », ou « moralité absolue », probablement influencé par la vision philosophique réaliste tenue par les Analystes, à qui la tradition de la libération individuelle est indubitablement connectée. Cela explique aussi, dans une certaine mesure, pourquoi le vœu de libération individuelle est comparé à un pot en argile ; une fois brisé, il ne peut être réparé.

L’Éthique de l’Esprit d’Éveil (Mahayana)

L’objectif des engagements de l’esprit d’éveil est l’entraînement qui doit être suivi sur la voie du Bodhisattva. Ces engagements étant centrés sur l’éveil de l’esprit lui-même, ses causes, sa nature, ses variétés (d’aspiration et d’action, le relatif et l’ultime), et ainsi de suite, ils sont expliqués en détails avant que l’entraînement lui-même ne soit décrit.

La culture proprement dite de l’esprit d’éveil, accompagnée de points d’entraînement spécifiques, est présentée depuis la perspective de la lignée de la vue profonde, qui fut inspirée par Manjushri et transmise à Nagarjuna, Shantideva, et d’autres, et la lignée d’actes magnifiques, qui fut inspirée par Maitreya et transmise à Asanga, Chandragomin, Atisha et d’autres.

Ces deux systèmes sont essentiellement les mêmes, et certains aspects de l’entraînement leur sont communs. L’entraînement usuel inclut les trois formes de l’éthique du Bodhisattva, qui sont d’éviter la non-vertu, d’acquérir des qualités vertueuses, et d’œuvrer pour le bénéfice des autres, et la mise en œuvre des six perfections : la générosité, l’éthique, la patience, l’effort, la méditation et la sagesse.

Le système de Nagarjuna autorise tous ceux ayant la volonté et suffisamment d’intelligence à prendre les engagements de l’esprit d’éveil d’aspiration et d’action simultanément, que cela soit avec un maître ou seul en la présence imaginée des Bouddhas et des Bodhisattvas. Tant que l’on préserve l’esprit qui aspire à s’éveiller, les engagements ne sont pas perdus. Un engagement endommagé peut être restauré en rêve par la supplication au Bodhisattva Akashagarbha ; le brillant étudiant restaure les engagements endommagés par la compréhension de la nature non née des choses. Les points d’entraînement sont suivis selon les capacités de chacun, et les engagements sont pris pour une durée aussi longue que l’on pense pouvoir les préserver.

Dans le système d’Asanga, seulement une personne qui détient l’un des sept ensembles de vœux de libération individuelle est autorisée à prendre les engagements de l’esprit d’éveil, et cette personne le fait graduellement (par différentes cérémonies), d’abord en acceptant les vœux d’aspiration et ensuite, une fois qu’il ou elle a gagné en compétence, les vœux d’action. Il est recommandé de prendre les engagements en présence d’un maître qualifié. Si une infraction majeure est commise avec une grande implication émotionnelle, l’engagement est considéré comme perdu et doit être de nouveau pris. (Ici, Kongtrul ajoute une note énigmatique du grand maître Dzogchen Longchenpa, qui dit que l’engagement, une fois détérioré, ne peut être repris plus de trois fois.) L’infraction doit être confessée en présence de détenteurs de vœux. En accord avec cette lignée, l’étudiant doit sauvegarder tous les points d’entraînement depuis le tout début et doit promettre de maintenir ses engagement jusqu’à ce qu’il ou elle atteigne l’éveil, pas seulement pour une période de temps déterminée.

Le système de Nagarjuna semble plus indulgent et moins influencé par le monachisme que celui d’Asanga, dont les points d’entraînement sont plus complexes. Vraisemblablement, les différences entre les deux traditions proviennent de leurs point de focus différents : la lignée de la vue profonde insiste sur l’aspect de connaissance du chemin ; la lignée d’actes magnifiques, sur l’aspect de la conduite, de la méthode.

Historiquement et psychologiquement, la voie du Bodhisattva est à mi-chemin entre la voie de la renonciation et la voie de la transformation. Le paon dont les plumes deviennent plus colorées après avoir mangé du poison symbolise le Bodhisattva, qui demeure non pollué et devient plus lumineux à mesure que son investissement dans le monde s’approfondit. Ainsi, le Manuscrit de la Guirlande de Joyaux dit :

Tout comme les champs de riz et de cannes à sucre sont nourris par les détritus du village, de même, le germe de l’esprit d’éveil est nourri par les détritus des émotions du Bodhisattva.

De telles images montrent clairement que la Voie Universelle transcende la forme de la renonciation de la Voie Individuelle, qui considère « les objets de désir… comme des feuilles empoisonnées ». Cette transcendance de la stricte renonciation détient la graine du principe de transformation, qui est développé à son maximum dans le Tantra.

La Voie Universelle prescrit un ensemble de vœux de libération individuelle qui ne sont pas radicalement différents des vœux des Individualistes. Parce que les Universalistes se distinguent par leur noble intention de rechercher l’éveil dans le but de servir les êtres sensibles, toutefois, il existe une différence fondamentale dans le principe entre leur forme d’observation et celle des Individualistes. De plus, puisque les tendances philosophiques sous-jacentes dans la Voie Universelle insistent sur la non-existence des phénomènes et, en particulier, les Centristes parlant de la non-réalité de toutes les apparences, comment la moralité, ou l’éthique, sur la voie du Bodhisattva, pourrait être imposée comme absolue plutôt que comme un facteur variable dépendant de conditions ? La Voie Universelle expose ainsi une approche flexible des vœux de libération individuelle et va jusqu’à dire qu’un Bodhisattva peut s’engager dans les sept actions non vertueuses du corps et de la parole s’il est motivé par l’amour et la compassion.

Comme Shantideva dit :

Le Compassionné, dans sa large vision, donna permission même pour ce qui était prohibé.

En raison de l’accent mis sur la disposition mentale, l’éthique de l’esprit d’éveil, si endommagé, peut être renouvelé ou réparé par le Bodhisattva, tout comme un vase d’or peut être réparé par un habile orfèvre.

Par notre pure motivation et notre parfait dévouement,

Puisse cela bénéficier à tous les êtres !

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